Ancien nageur, Eric Lahmy est journaliste, écrivain, rédacteur en chef, et reporter. Il anime depuis 2013 Galaxie-Natation, un blog dédié à son sport préféré.
Dimanche 21 Mai 2017
Pour justifier sa septième candidature à la présidence de la Fédération française de natation, l’estimable Francis Luyce expliquait cet hiver qu’ayant amené la natation au niveau d’excellence qu’il lui trouvait alors, il voulait parfaire son œuvre dans les quatre prochaines années.
On peut en effet admirer le résultat de sa politique, dès avant les France de Schiltigheim, avec le sentiment qu’on était tout près du but.
Quelque chose d’une catastrophe…
Les média l’ont bien senti. D’après un ami introduit dans les milieux, des coupes claires ont été opérés dans les programmes sportifs des radios et des organes de presse concernant la natation. L’engouement des années Manaudou, Agnel, Muffat et tutti quanti est bien fini. L’hiver arrive. En battant Luyce aux élections, Sezionale a sans doute causé quelques pleurs à son prédécesseur, mais il lui aura évité pas mal de grincements de dents pendant les onze semaines qui vont des France de Strasbourg (23-28 mai) aux mondiaux de Budapest (12-28 juillet) !
Luyce n’est sans doute pas le seul responsable de la situation de fiasco vers laquelle on se dirige. Mais il l’a en quelque sorte orchestrée, en voulant quitter son rôle d’arbitre pour celui de premier dernier décideur, être en quelque sorte « président DTN ». C’était sortir de ses prérogatives, et se mettre en danger, sauf en cas de réussite éclatante. Ses choix, ces dernières années, ont brisé l’élan par la mise en place soit d’adversaires du programme qui avait donné des résultats, soit d’hommes à lui.
Certes, pour l’essentiel, la valeur de la natation se situe au sein des clubs, et que quelque chose ne tourne pas rond à ce niveau. Quoi ? Selon notre fidèle correspondante Germaine Necker, qui s’appuie sur les bilans FINA 2017 des cinq cents premiers nageurs de chaque course, la natation française manque de fond. Nos « pôles » France, explique-t-elle, travaillent sur un nombre trop faible d’éléments. Est-ce pour cela que dans les bilans mondiaux, le nageur français parait aussi menacé d’extinction que la girafe africaine et le rhinocéros d’Asie ? On n’a pas seulement trop peu de nageurs dans les dix ou vingt premiers, on n’en a guère assez dans les listes de cent, deux cents ou cinq cents. De la même façon, nos jeunes se font rares. De quoi est-ce le signe ? D’une natation qui manque de moyens, ne brasse pas assez d’éléments, qui ne travaille pas assez, qui ne renouvelle pas ses compétences et qui n’a ni continuité, ni renouvellement…
Voilà pour les symptômes et les constats. Il va maintenant falloir, forts de ces diagnostics, soigner la malade, et j’imagine que Gilles Sezionale et son équipe s’y sont mis. Le choix qui a été fait de la personnalité du DTN, Laurent Guivarc’h – en admettant qu’il soit confirmé – me parait intéressant. Après, il faudra mettre les mains dans le cambouis.
La situation pré-championnats de Schiltigheim, on la voyait venir depuis quelques temps. Des entraîneurs, des connaisseurs comme Claude Fauquet, Marc Begotti ou Philippe Dumoulin nous la prédisaient il y a peut-être trois ans déjà. D’autres comme Frédéric Barale, Richard Martinez, Marc Planche ou Patricia Quint s’en étaient inquiétés ainsi lors d’une enquête sur les faiblesses de notre natation féminine. (1) Beaucoup d’autres en faisaient état au hasard de conversations…
Schiltigheim est une chose. Les championnats du monde de Budapest en sont une autre. On aura toujours un champion de France pour chaque épreuve disputée, mais on n’aura pas un candidat à la finale et au podium dans plusieurs d’entre elles (et d’ailleurs, peu de qualifiés en fonction des minima). La grande aventure du relais quatre fois 100 mètres, qui fut – dans une certaine continuité aux trois quarts marseillaise – LA vraie saga de notre natation est sans doute finie… Certes, le 100 s’est trouvé un patron en Mehdy Metella, et Jeremy Stravius et Clément Mignon sont encore là, mais un étage au-dessous, et pour combien de temps, et un relais se fait plutôt avec cinq ou six nageurs, pas avec trois. Des candidats à la quatrième place, il y en aura toujours. Mais ils sont encore tendres, et que ce soient les Amiénois Maxime Grousset ou Alexandre Derache, le Grenoblois Pothain ou de nombreux Toulousains, ce sont tous des nageurs à plus de 50 secondes qui ne pourront aider le relais à moins de nager sous les 49 secondes…
LES MINIMA FRANÇAIS POUR BUDAPEST
Épreuves individuelles
Dames | Messieurs | |
50 Nage Libre | 24.82 | 22.10 |
100 Nage Libre | 54.50 | 48.58 |
200 Nage Libre | 1:57.74 | 1:47.15 |
400 Nage Libre | 4:8.34 | 3:47.43 |
800 Nage Libre | 8:33.73 | 7:51.19 |
1500 Nage Libre | 16:25.04 | 15:1.97 |
50 Dos | 28.01 | 24.93 |
100 Dos | 1:00.61 | 53.99 |
200 Dos | 2:10.68 | 1:57.58 |
50 Brasse | 30.99 | 27.20 |
100 Brasse | 1:07.22 | 1:00.26 |
200 Brasse | 2:25.91 | 2:11.11 |
50 Papillon | 25.91 | 23.29 |
100 Papillon | 58.15 | 52.08 |
200 Papillon | 2:09.21 | 1:56.72 |
200 4 Nages | 2:13.01 | 1:59.77 |
400 4 Nages | 4:38.91 | 4:17.88 |
Relais
Dames | Messieurs | |
4×100 Nage Libre | 3:38.35 | 3:15.19 |
4×200 Nage Libre | 7:54.93 | 7:10.60 |
4×100 4 Nages | 4:00.84 | 3:35.17 |
(1) Enquête que je n’ai pas publiée. Il m’avait semblé, malgré des témoignages en ce sens, notamment de Patricia Quint et de Didier Barale, difficile de justifier, ou de mesurer, un caractère purement féminin dans les soucis de la natation française. En tout cas, je n’étais parvenu à aucune conclusion satisfaisante, même si, à l’évidence, il y avait une carence particulièrement prononcée des filles en France. Je ne pouvais dire s’il s’agissait d’un manque de talents, de méthodes, d’intérêt pour les nageuses, peut-être un peu de tout ça, et d’autres facteurs encore ? Bref, je n’avais trouvé aucune solution… Entre-temps, malheureusement, les filles n’ont pas rejoint les garçons, mais les garçons ont rétrogradé en direction des filles !
Golden years of French swimming are over. Too bad if finished on a fiasco in Rio. It deserved a better end. That “golden era” has lasted more than a decade thanks to great coaches and a great generation of talents. Of course Laure Manaudou, Camille Muffat and our male sprinters and backstrokers were the trees which hid the forest. We have no depth in France and in many events like IM or breaststroke French swimming really struggles. Why almost all about sprint on the men’s side? Where are the girls now? We knew there would be a serious problem of succession after most of our stars would retire. And here comes that moment. French swimming is probably back to anonymity… Read more »
Always interesting Bobo.
The problem of French Swimming has always been the lack of depth. Some huge swimmers and a great relay (the men’s 4×100 free) have hidden that for a decade, like Bobo has written.
Now, for various reasons, those huge swimmers have retired and “the king is naked”.
I remind two different periods, with three great French swimming stars shining before their (too fast) decline.
1) 2006/2007, just before Worlds at Melbourne. Laure Manaudou was the undisputed best female swimmer in the World and I think that his trainer Philippe Lucas set the bar too high for her.
He wanted to match (or surpass) Phelps for the number of golds/total medals and entered Laure for too many races (200,… Read more »
Very nice comment. On the other hand I don’t understand why are you guys complaining. So many great names have been shining, so many great results were achieved during relatively recent and actually wide enough time span. Who was luckier to have more stars of such a caliber? Seriously, who? Maybe Americans. But take off the picture a few extreme talents that come once in many generations and the situation isn’t much different. These complaints especially Gigi’s ones are not fair and are of the same nature as ones of Swedish fans that their country cannot produce just one more decent 200 freestyle swimmer to win W4x200 relay.
The talent surfacing is so unpredictable in sport and doesn’t directly… Read more »